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A l’automne 1945, un évènement a marqué tous les élèves. Il s’agit du retour des trois professeurs qui ont été arrêtés le 7 octobre 1942 par la Gestapo : il s’agit de Marcel Vichot, Jean Petiteau et Marcel Berthet. Pour Marcel Vichot et Jean Petiteau, l’arrestation a  lieu en présence des élèves durant un cours. Tandis que Marcel Berthet, lui, est arrêté dans le Haut Doubs. Marcel Vichot a écrit pour les adhérents de l’Association des anciens élèves un article intitulé La vie dans les camps nazis, nous nous servons de ce témoignage de 1945 pour comprendre ce qu’ils ont vécu. En effet, après leur libération ils n’ont jamais parlé de leur passé à leur famille et amis comme en témoigne le neveu de Marcel Vichot.

"Petiteau, Vichot, Berthet" photo prise par Michel Pugin

       

Après leur arrestation, ils sont conduits à la prison de Dijon, en effet les Allemands ont peur que des actions soient menées à Besançon pour les libérer. Ils sont incarcérés 5 mois à Dijon, avant de prendre la route jusqu’au camp de Compiègne pour une nuit ; ils passent une seconde nuit à Nuremberg, puis dans la matinée du 18 avril, ils arrivent à destination : le camp de Mauthausen situé au cœur de l’Autriche. C’est là que le voyage s’achève. Marcel Vichot part ensuite à Gusen, une dépendance de Mathausen.

La vie dans les camps est traumatisante pour eux, ils sont confrontés à des scènes de violence sans limites. Les Allemands accusent sans motif un détenu pour user de violence : « Roués de coups de poing d’abord, puis de coups de triques, par les brutes qui se les renvoient de l’un à l’autre, les malheureux finissent par s’effondrer », tout cela à la vue de 200 autres détenus dans l’incapacité de s’interposer sous peine de subir le même sort. Une autre scène nous interpelle, lorsque Marcel Vichot est réveillé en sursaut à 4h du matin car 2 Russes accusés de cambriolage, « eurent la tête broyée à coups de tabouret ».

En 1944, la situation empire : « j’ai vu emporter au crématoire des corps remuant encore, confondus dans le tas des cadavres sanglants aux têtes fracassées. Himmler et ses séides pouvaient se réjouir, leurs consignes étaient bien appliquées ! » En décembre 1944, la famine est générale : « Ventre affamé n’a pas d’oreilles dit-on. Nous n’étions qu’en décembre 1944 et la faim devait encore s’accentuer jusqu’à engendrer des cas de cannibalisme caractérisé. »

« Le dernier hiver fut terrible à tout point de vue …heureusement la fin approchait, nous le sentions, nous le savions et cette espérance nous galvanisait. » Les nazis dans ce dernier hiver éliminent les invalides. 

               

Le 28 avril 1945, la Croix Rouge évacue Gusen pour rapatrier les survivants à Mathausen. Une quarantaine est alors organisée. Le 4 mai, le camp est libéré par les Américains. Jean  Petiteau et Marcel Vichot ont pour projet de sortir du camp mais les Américains ne laissent personne partir . 36 heures après l’arrivée des renforts internationaux, « tous les tortionnaires avérés, les kapos, tous les bandits connus et reconnus repérés de longue date furent massacrés sans autre forme de procès » Marcel Vichot raconte aussi la destruction par les nazis des preuves accablantes de leur politique d’extermination : « …fours, salles de pendaison et de fusillades, chambres à gaz… »  Les prisonniers se précipitent sur les stocks de nourriture mais les corps affaiblis ne supportent pas cet apport trop riche et cela engendre beaucoup de morts. Des hôpitaux de campagne sont installés vers le camp, et prennent des mesures sanitaires pour éviter le typhus. Ensuite, pour partir du camp, Marcel  Vichot repère les alentours et récupère des provisions. Il vole des habits propres dans des magasins SS. Après avoir parcouru plus de 45 km, le 3e jour de leur fugue, certains de ses camarades sont affaiblis et l’avancée devient difficile. De plus, ils rencontrent des Américains, échappent aux Russes, et sont pris pour des SS par des Ukrainiens.

 

 Après le retour à Paris et un séjour à l’hôtel Lutétia, Marcel Vichot est rapatrié à Besançon : « Train, ravitaillement en route aux arrêts, arrivée au terminus c’est-à-dire à l’ancienne gare Viotte, complètement rasée…Pour ainsi dire sans transition, nous sommes replongés dans une vie normale, dans une atmosphère pleine de réconfort. »

Le retour à l’école de ces trois professeurs est un moment inscrit dans les esprits. A Besançon ils  reçoivent des médailles pour leur courage. Marcel Berthet qui était le chef du groupe FELIX reçoit la rosette de la médaille de la Résistance. Jean Petiteau qui appartenait aussi au groupe FELIX  avait caché des armes dans les gaines d’évacuation des ateliers, armes fournies aux FFI lors de la libération de Besançon par le concierge qui en connaissait la cachette. Il reçoit la médaille de la Résistance. Marcel Vichot appartenait aussi au groupe Félix et était en lien avec des groupes de la zone libre et belges. Il poursuit pendant sa détention des actes de sabotage pour ralentir la production allemande. Il est nommé au grade de chevalier de la Légion d’Honneur en même temps qu’il reçoit un diplôme de meilleur ouvrier de France. Il demande à ses élèves de l’accompagner à Paris et c’est un de leurs meilleurs souvenirs.

Mais dès leur retour à Besançon, à l’exception du récit de Marcel Vichot et des témoignages de Jean Petiteau à des historiens, ils refusent de répondre aux questions de leurs proches ou collègues sur ce qu’ils ont vécu dans les camps.

Vidéo de Mikael

 

 

 

 


Interview de René Dejouy, mari de la nièce de Marcel Vichot, réalisé par Micaël Huelin :

 

Sources :

  • Bulletin officiel de l’Association Amicale des anciens élèves de l’École Nationale d’Horlogerie de Besançon, Octobre-novembre-décembre 1945, n°4. 44 p.

  • Bulletin officiel de l’Association Amicale des anciens élèves de l’École Nationale d’Horlogerie de Besançon, Janvier-février-mars 1945, n°5. 44 p.

  • Bulletin officiel de l’Association Amicale des anciens élèves de l’École Nationale d’Horlogerie de Besançon, Avril-mai-juin 1946, n° 6. 44 p.

  • Témoignages d’anciens élèves.

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